L’aventure du Grand Raid?… Quelle aventure?

J’ai revu avec émotion ces premières minutes du récit-étape sur l’accident de Serge Goriely. Images fortes. Fantastique boulot de Didier. Je suis assez fier de l’attitude de l’équipe, impressionné par le sang froid de Christine. C’est souvent dans les épreuves que l’on découvre la vraie nature des gens.

Avec le recul, les circonstances réelles des accidents du Grand Raid donnent à réfléchir. Aucun de nos accidents n’était lié à une difficulté particulière du parcours. Aucun n’avait quoi que ce soit à voir avec une quelconque aventure.

Celui de Serge en Somalie : une perte de contrôle, sur une route bien droite et lisse où nous roulions lentement et en convoi, tout simplement parce que Serge jouait aux échecs, tout en conduisant (!), avec Laurent qui avait échangé sa place dans la voiture française avec Philippe. Après avoir donné un coup de volant pour revenir sur la route qu’il allait quitter par inattention, il a fait plusieurs tonneaux. Et comme il ne portait pas sa ceinture, il a été éjecté par la fenêtre et est retombé tête première sur le bitume.

Ceux de Didier, Benoit, Christine et Guilène en Afrique du sud: comme pour Serge, des tonneaux favorisés par la présence des malles sur le toit qu’on avait ajoutées parce qu’elles étaient jolies pour la télé, ce qui avait eu pour effet de déplacer le centre de gravité des voitures et de les rendre instables.

AccidentSergeL’accident de Serge a été bon pour le spectacle et très bon pour les cotes d’écoute. Les téléspectateurs, dans leurs salons, ont eu un petit frisson. Ceux qui doutaient de la difficulté du « jeu » se sont dit que, finalement, ce n’était pas de la rigolade. Enfin, après les cartes postales des premières semaines, quelque chose semblait donner de la crédibilité au côté « aventure » du Grand Raid !…

Et si Serge était mort ? Se dirait-on que le jeu en valait la chandelle ? Nous avons eu énormément de chance de nous en tirer à si bon compte. La présence de l’équipe d’encadrement sur le terrain et nos communications avec celle de Paris nous donnaient un sentiment de fausse sécurité alors que, à plusieurs reprises, nous frôlions la catastrophe.

J’admire le courage de ces gens qui courent des risques pour des vraies causes (journalistes, travailleurs de l’humanitaire, etc.) mais pas pour les acteurs de ces émissions de divertissement (Koh-Lanta & co) où l’on s’offre le luxe de se faire peur pour se donner l’impression d’être en vie. Il y avait quelque chose d’un peu obscène à se mettre en scène de cette manière alors que, tout au long du parcours, dans nos belles voitures aux couleurs du Raid, nous côtoyions la misère et rencontrions des gens dont la vie quotidienne était drôlement plus menacée et précaire que la nôtre.

Je suis fier et je me sens immensément privilégié d’avoir participé au Grand Raid. J’ai été comblé par les rencontres qu’il m’a permis de vivre et qui m’ont ouvert les yeux sur le métier que je voulais faire. Ca a été une expérience vraiment riche et difficile, une émission de télé comme on n’en fait plus, qui a inspiré toute une génération de jeunes et moins jeunes. Mais, avec le recul, j’éprouve un certain malaise face à la manière dont on a parfois présenté les choses, en passant sous silence ce qui risquait de briser le rêve. Pour moi, ce n’était pas ça « l’aventure » du Grand Raid.

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Robert Bourgoing

Robert Bourgoing faisait partie de l'équipe canadienne avec Francis Lévesque. Il a réalisé et administre ce site et la page Facebook consacrés au Grand Raid. Retrouvez d'autres articles, photos et vidéos de ses voyages sur Bourgoing.com