Une nuit à la belle étoile, la peur au ventre

Le souvenir que j’ai du lac Kariba ? Un panthère puis un buffle qui traversent la route devant nous, un Pim’s N°1 dans la piscine de l’hôtel où nous faisons halte. C’était bien ça, une nuit par semaine, après des bivouacs de galère à dormir dans des endroits improbables et parfois dangereux, se retrouver dans un hôtChristine Demont et Guilène Merlandel de luxe, choisi par la production. Baignoire et matelas, un luxe inouï !

Ce sera une des difficultés de cet extraordinaire voyage, la logistique du quotidien. Trouver et tourner un reportage, sans préparation, sans contact en partant de zéro dans un pays inconnu, c’est difficile mais c’est le deal. Par contre gérer de front cet impératif de production et les contraintes du voyage, s’est parfois avéré fort difficile. Trouver de l’essence, rouler des centaines de kilomètres sur des pistes défoncées, manger, boire et surtout dormir. Nous avions nos tentes bien sûr, mais en Afrique on ne plante pas sa tente n’importe où !

Dans la dernière émission, nous partons du Zimbabwe pour la Zambie. Nous roulons Christine et moi vers Chipata, il fait nuit. Une xème crevaison a ralenti notre programme. Nous ne voulions pas rouler de nuit, c’est bien trop dangereux. Mais dormir en brousse, serait pire. Nous roulons donc, mais sur cette piste qui traverse une épaisse forêt chaque nid de poule abrite un oiseau qui dort. C’est un horrible jeu de massacre qui se joue sous nos roues. Mais nous roulons quand même. Le village approche, il nous faut y arriver.

Bizarrement plus nous nous en approchons plus il y a de gens étranges sur le bord de la route. Sont-ils saouls ou drogués, nous ne saurions le dire. Mais la population est de plus en plus dense et dans le village en question, autour de ce qui doit être un bar, la seule maison éclairée de ce bled paumé, c’est l’attroupement. Nous ne devrions pas être là. Nos voitures si voyantes nous protègent pour une part, mais déclenchent aussi des réactions d’agressivité. Nous incarnons l’argent et l’impérialisme dans des pays qui n’ont rien et où le colonialisme a laissé des traces sanglantes (voir aussi Entre le jeu des riches et la réalité des pauvres).

Tous ces gens agglutinés se retournent sur notre passage et commencent à nous suivre. La peur nous envahit. Nous nous précipitons vers ce qui ressemble à un poste de police où nous trouvons refuge pour la nuit. Les portes ont été refermées derrière nous, alors, par dizaines les blacks se suspendent au grillage qui entoure le commissariat et nous observent de leurs grands yeux blancs. Il fait chaud, lourd, comme ces nuits africaines quand l’air est immobile. Nous sommes épuisées de fatigue, mais nous ne dormirons que l’une après l’autre pour garder un oeil sur la situation. A y réfléchir, il y avait sûrement plus de curiosité que d’agressivité dans leurs yeux ahuris, mais je peux vous confier que les deux petites françaises n’en menaient pas large, couchées par terre à côté de leur voiture.

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Guilène Merland

Guilène Merland représentait l'équipe de Télé Monte Carlo avec Christine Demont.