Vendredi, 23 novembre.
C’est le grand jour ! Avec Benoît, nous repartons à cinq heures, les yeux légèrement gonflés. En arrivant au camp, la température est idéale. Le décor par contre évoque les lendemains de fêtes qui ne chantent plus… Cadavres de bouteilles, restes de nourriture, assiettes sales. La nuit a dû être courte ici aussi. Benoît s’installe, nettoie sa caméra tandis que Jean-Claude et Olivier m’essaient plusieurs micros.
- Voilà mon déplacement : je compte évoquer l’accident près de l’arbre. Benoît, tu cadres en arrière-plan les filles et la nouvelle voiture. Pour le lancement Kariba, vous me suivez de tente en tente, au milieu des candidats, O.K. ?
Il est neuf heures. La liaison téléphonique interrompue hier n’est pas encore rétablie. Un à un, les « reptiles » émergent de leur igloo d’argent. Roland parle déjà et encore de Cathy… La température monte. A dix heures, il fait 30°, puis 40°, puis 45° ! Nous sommes tous prêts, écrasés par la chaleur, mais Paris ne répond plus !
- Allô, Paris ! Allô Paris ! répondez… Paris pour Kariba !…
Il est onze heures. La chaleur est étouffante maintenant. Je me déverse des litres de soda sur la tête. Mais le soda est chaud, les bulles sont chaudes, le chapeau est chaud, l’air est chaud, les cheveux sont chauds, le micro que je pose dix secondes est chaud.
- Allô Paris, allô Paris…
- Oui, c’est nous ! Attendez encore un peu. Nous sommes presque prêts !
Onze heures et demie… En pleine brousse, du haut-parleur posé sur la terre asséchée, s’élève la musique du générique (écouter & voir le générique). J’ai le coeur qui bat très fort. Ça va bien, malgré le soleil. Dernière note. Je suis à l’antenne :
- Bonjour à tous ! Ici, le Zimbabwe, sur les bords du lac Kariba ! C’est le vertige ! Je parle à un objectif, au bout du monde, et des millions de personnes sont de l’autre côté, pour regarder un spectacle. Ce spectacle, c’est ce que nous vivons là, en ce moment. Toute cette route, la fatigue accumulée, les 45°, la soif, l’angoisse des candidats avant leur passage, l’attente des notes et l’espoir d’être bien classés, même s’il reste encore vingt-neuf semaines, même si l’on sait que ce raid n’est qu’une course d’endurance.
Je ne vois pas passer l’heure. Le générique m’emporte. Un mot à Roger, à Abouchar, aux monteurs. Minutes précieuses où la bonne communication permet une réelle discussion entre l’équipe parisienne et le terrain.
Les filles subissent leur deuxième choc : celui du score obtenu par « la vague de gelée », un raz de marée à la baisse, tandis que Philippe et Serge, les Belges, savourent le premier succès qu’ils viennent de remporter avec leur enquête sur le Kubus.
Jean-Claude et Olivier rangent le matériel, Guy et moi visionnons les cassettes du plateau sous une tente transformée en étuve, prêts à tourner des raccords en cas de problèmes techniques. Ces cassettes vidéo de format professionnel sont ensuite placées dans une pochette jaune avec les cassettes-reportages des candidats, les plans de montage, le récit-étape et les musiques originales ; le tout étant expédié par le premier avion en partance pour Paris.
Aujourd’hui, c’est à Jean-Claude Freydier qu’incombe la terrible mission de transporter la « pochette jaune » jusqu’à Paris où il doit régler quelques affaires avant de nous rejoindre définitivement. Les tentes se dégonflent lentement.
Pour le cameraman Benoît Jacques, la journée n’est pas finie : il doit enregistrer des images de voitures traversant la savane du haut d’un petit avion. Lorsque le soleil vient caresser les bords du lac et incendie le bush de sa couleur de braise, Benoît décolle et plonge dans ce décor en panavision. Sous sa caméra, une voiture fonce et se retourne discrètement dans la poussière, sans faire de bruit…
25 ans tout juste!…25 ans tout juste que le générique du Raid a retenti pour la première fois!..je pense à vous les amis…la vie n’est qu’un générique…de début!
Je me rappelle aussi de mon émotion en entendant le générique pour la première fois. Cette musique (composée par Michel Massard -- qui est-il?), qui sort du petit haut-parleur au pied de l’antenne radio, a un côté dramatique et entraînant. Elle me donne des frissons malgré les 45 degrés… Ca y est, j’y suis vraiment. L’aventure télévisuelle peut commencer et je ne rêve pas: je ne suis pas dans mon salon, j’en fais bien partie, de l’autre côté de l’écran…