Enfermés pour la nuit dans un camp militaire

Dimanche, 30 décembre.

Cela valait le coup d’attendre. En fait de voiture, c’est une Land Rover qui arrive, avec un plateau arrière protégé des deux côtés par des panneaux percés de hublots. Elle est maquillée de peinture jaune et bleu, imitation peau de léopard… somalien. Le genre d’engin qui attire le regard des rebelles les plus pacifiques en leur donnant l’incontrôlable et irrésistible envie de « faire un carton » ! Quelle réussite ! Nos trois militaires en armes s’y installent, un autre allant s’isoler sur le toit de notre camion d’essence. Avec eux, nous nous sentons vraiment… invulnérables !

Ce convoi — inévitable — nous a été imposé par le gouvernement pour une double raison : à cause des risques de brigandage, et surtout, du conflit de l’Ogaden, une région frontalière que nous devons longer sur des dizaines de kilomètres.

 

Le début du parcours est effrayant ! Les militaires s’arrêtent tous les deux kilomètres : pour acheter des cigarettes, manger des spaghetti, boire du thé, laisser refroidir le moteur. C’est usant ! La caravane se traîne lamentablement sur la route, bonne pour une fois.

A peine le jour a-t-il commencé à baisser qu’ils s’arrêtent dans un petit village, nommé Dasa Mareb, et nous « enferment » à l’intérieur d’un camp militaire pour la nuit, « pour notre sécurité » !

Alexandre tourne autour de sa gamelle pleine de… spaghetti. De son père restaurateur, ce diable de Suisse a retenu de savantes leçons. Après l’énervement de cette première journée, l’ambiance se décontracte. Avec Alexandre, Serge et les autres, nous passons une bonne soirée, évoquant le départ de ce raid qui nous fait tant courir sans avoir beaucoup l’occasion de se parler.

Je découvre petit à petit des copains, bourrés d’idées, de générosité, qui apparaissent comme de véritables amis. Solidaires et non concurrents. Leur grande complicité a déjà effacé toute tentative de coup d’Etat et de prise de pouvoir d’un équipage sur le classement général. D’ailleurs, la place est prise depuis le départ par les Belges. Alors, pourquoi contester l’ordre établi ? Philippe fait semblant de s’en moquer, Serge en est fier. Mais les deux ne s’en plaignent pas. Toute la soirée, nous évoquons la course, comparons les sujets, pensons aux grands moments de l’émission. Nous nous souhaitons bonne nuit, sans deviner que demain Serge signera, malgré lui, l’un des grands moments du Raid.

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Didier Regnier

Didier a encadré la caravane du Grand Raid du Cap de Bonne Espérance à la Terre de Feu, animant l'émission sur le terrain et réalisant des récits étape pour présenter les pays traversés et illustrer les aventures et anecdotes de la semaine. Ses articles sur ce site sont des extraits du livre qu'il a publié en 1985 chez Robert Laffont, "L'Aventure du Grand Raid".