En route pour Hong Kong

Samedi, 16 février.

Une nouvelle fois, nous nous séparons. La moitié des équipages s’envole à Hong Kong avec moi, l’autre moitié descend les voitures jusqu’à New Delhi d’où les candidats partiront pour l’Asie.

A l’aéroport, des Français en voyage nous parlent de l’émission « dont ils ne ratent pas un programme ». Ils nous regardent comme des zombies du troisième type, demandant aux filles comment vont les girafes et l’écolier de brousse, poussant Alain Margot vers d’autres Rackham. En France, les critiques sont maintenant unanimes pour saluer le redressement du Grand Raid, confirmé par les indices d’écoute en hausse : plus 20 % au dernier audimat pour l’émission enregistrée à Varànàsi ! Un très beau score ! Le pari de l’Inde est gagné.

Nous avons dit au revoir à Laurent, sans insister. Sans trop savoir quoi lui dire, si ce n’est merci pour son geste. Roland part pour Hong Kong, ignorant tout de ce qui va se passer.

Enfin, nous saluons René Raguenès et Jean-Pierre Coppens. Les deux mécaniciens de Citroën ont été impressionnants dans leur travail sur cette première partie du parcours. Le jour au volant, la nuit sous le châssis, ils ont passé des heures à réparer, consolider, entretenir, avec la passion au bout des doigts. Toujours disponibles, le sourire et la bonne humeur pour le même prix ; ils ont accompli leur mission dans la plus grande rigueur, pour que nos voitures ne s’arrêtent jamais. Elles se sont un peu fatiguées, se sont cassées parfois, mais n’ont jamais rendu l’âme, étonnant plus d’un spectateur sur le bord des pistes infernales de l’Afrique. Merci Jean-Pierre et René pour ces moments fantastiques que nous avons vécus ensemble.

Les douaniers ouvrent les malles l’une après l’autre, sortant au hasard un réveil et une poupée fétiche. Guy et moi nous nous quittons, en pensant à la même chose : la prochaine fois qu’on se revoit, ce sera en Amérique latine, deux mois avant la fin du Raid…

14 heures : l’avion décolle de Katmandou pour Hong Kong, via Bangkok. Les hôtesses de la Thaï nous abreuvent de champagne en distribuant généreusement des casques et des pantoufles mauves. Mais le cœur n’y est pas. Guilène, Alexandre, Philippe, Robert et Roland pensent à la semaine qui s’annonce. En regardant par le hublot, Roland me dit : « J’ai l’impression d’être en sursis. C’est dur… »

Alexandre Bochatay et Robert Bourgoing songeurs après l’élimination de Laurent Chomel.

16 heures : quelque part entre Katmandou et Delhi, c’est le baroud d’honneur pour René dont le camion n’arrête pas de crever !

19 heures : les ailes de l’avion frôlent les balcons et les terrasses de Hong Kong. Une descente vertigineuse au ras des toits et des antennes de télévision nous fait plonger au cœur de la ville !

Deux jours plus tard, à l’aéroport de Delhi, le hall est jonché de papiers de toutes les couleurs. Ce sont les documents douaniers que Guy a étalés devant lui, par terre. Il est à genoux, un officiel à ses côtés, pour le convaincre une dernière fois de libérer les candidats détenus « en otages » jusqu’à ce que les voitures soient passées en zone de fret. Et comme personne ne sait quand cela se passera, il faudra envisager de prendre un vol direct pour Salt Lake City ou Buenos Aires… Les fesses en l’air et le nez par terre, Guy et l’autorité suprême négocient au coude à coude.

Hong Kong. L’aéroport est propre. Je le trouve même trop propre. Des écrans de télévision partout ; des poubelles astiquées ; des cabines téléphoniques ; des panneaux indicateurs. Pas d’odeurs ni de sourires. Le choc est dur, en arrivant du Népal ! Le monde moderne, aseptisé, a coulé les gens dans le même moule, froid et glacial. La Chine n’est pas loin. Sur les panneaux, je lis : Pékin, Canton, Shanghai. Cet aéroport est complètement fou ! Dans ce pays où se pressent 5 000 habitants au kilomètre carré, il a fallu construire les pistes entre la mer, les courts de tennis, le périphérique et les maisons. Résultat : un incroyable survol qui ressemble au parcours du combattant et doit briser les nerfs des pilotes les plus casse-cou ! Devant moi, un Boeing chinois se présente mal à l’atterrissage, remet les gaz pour tenter sa chance une nouvelle fois.

En venant du Népal, nous avons l’impression d’étouffer : la foule omniprésente bouge dans tous les sens, comme des fourmis coincées dans un labyrinthe. Nos quarante malles affolent la petite Chinoise pomponnée venue nous accueillir à la sortie. Il n’y a pas de bus, ni de taxi prêts à les transporter : Hong Kong n’est pas Katmandou ! Alors, nous les entassons dans une boutique-vitrine de l’aéroport : en quelques secondes, elle disparaît sous nos bagages, derrière un rideau de fer pour toute protection !

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Didier Regnier

Didier a encadré la caravane du Grand Raid du Cap de Bonne Espérance à la Terre de Feu, animant l'émission sur le terrain et réalisant des récits étape pour présenter les pays traversés et illustrer les aventures et anecdotes de la semaine. Ses articles sur ce site sont des extraits du livre qu'il a publié en 1985 chez Robert Laffont, "L'Aventure du Grand Raid".