Retrouvailles émouvantes avec Philippe de Dieuleveult

Vendredi, 31 mai.

Sur le petit port de Puerto Montt, les pêcheurs s’activent, vident leurs filets, vendent des poissons qui se débattent encore, dans une irrésistible envie de survivre. Je sens que l’émission ne va pas très bien se passer, puisque Philippe Raymakers n’est pas là, comme je le pressentais. Philippe de Dieuleveult, grand témoin du Grand RaidA l’autre bout de la ligne, le grand témoin parle d’une voix que je connais bien. C’est Philippe de Dieuleveult. Je suis ému de retrouver à distance mon « vieil ami Philippe » qui me dit : « Ça me fait très plaisir de pouvoir t’adresser la parole, surtout que je me trouve sur un plateau et que, pendant plusieurs années, j’étais sur le terrain à ta place. Rappelle-toi, lorsque nous étions concurrents à la Course autour du monde, on s’était serré la main à Lima, au Pérou. Je te souhaite bon courage, je sais que tu en as. Alors je te dis bravo et garde le moral jusqu’au bout ! »

Pendant quatre mois, Philippe de Dieuleveult, Jérôme Bony et moi, nous étions battus autour de la planète pour arracher les meilleures interviews, filmer les meilleurs reportages. Au retour notre concurrence s’est naturellement transformée en amitié. J’aime chez Philippe son esprit d’aventure, son goût pour le risque, la manière qu’il a de ne jamais douter et de croire que le meilleur est toujours devant. Un jour, au retour de la Course, je l’avais croisé à la sortie de la télévision. Il était un peu étonné, surpris, encore sous le coup d’une remarque que lui avait faite un « professionnel » :

  • Tu te rends compte, il m’a dit que j’avais sans doute mangé mon pain blanc, et que maintenant ça allait être plus dur. Si à vingt-huit ans, j’ai déjà l’avenir derrière moi, c’est un peu triste. Je refuse de croire cela !

Au lendemain de notre retour en France, nous avions été engagés à Antenne 2, comme cameramen pigistes. C’est sur les strapontins usés du planning de la prise de vues que j’ai commencé vraiment à connaître Philippe : Pendant de longues journées, nous faisions « la banquette », en attendant un hypothétique « coup ». Nous rêvions du Liban, de l’Amazonie, des Philippines ; on nous donnait les chiens écrasés, le cross du Figaro ou la cueillette des cerises. Loin des spots enchanteurs et des critiques lénifiantes, il nous a fallu repartir de zéro, apprendre le métier sous tous ses aspects, passer des journées à attendre, repartir le soir sans être payés, espérant toujours le scoop et la planète à conquérir de nouveau. Ensuite nous nous sommes perdus de vue. Philippe est parti pour « La Chasse au trésor », moi pour la Course, le journal d’Antenne 2 et maintenant le Raid. Un même employeur : Jacques Antoine ; un même lieu de travail : le monde ; mais jamais au même moment, ce qui nous a éloignés et en même temps rapprochés.

Philippe a quitté la Chasse il y a quelques mois, mais le monde ne l’a pas quitté. « Début juin nous partons pour traverser l’Afrique sur les fleuves, de l’océan Indien à l’océan Atlantique. Cinq mille kilomètres de la Tanzanie au Zaïre, avec Gérard d’Abboville et une douzaine de personnes. Alors, on se rencontre au retour, O.K. ? » Je suis heureux pour Philippe. L’émission s’est arrêtée, lui continue au bout de ses rêves. C’est cela le plus important. Et puis nous nous sommes promis de nous revoir au retour, comme on le fait de temps en temps, entre deux voyages, en vacances ou au réveillon du jour de l’an. De trop rares occasions qui nous permettent de faire le point, de boire de bonnes bouteilles, de regarder à quel point nos enfants ont poussé trop vite.

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Didier Regnier

Didier a encadré la caravane du Grand Raid du Cap de Bonne Espérance à la Terre de Feu, animant l'émission sur le terrain et réalisant des récits étape pour présenter les pays traversés et illustrer les aventures et anecdotes de la semaine. Ses articles sur ce site sont des extraits du livre qu'il a publié en 1985 chez Robert Laffont, "L'Aventure du Grand Raid".