Le Raid en panne sèche

Mercredi, 26 décembre 1984.

Les jours ont passé, très vite. Pierre s’est battu pour chercher de l’essence. Il n’y en a nulle part, pas même au marché noir, ce qui est inquiétant. Les ambassades ne sont pas plus riches, contingentées à cinq litres par jour et par véhicule. Pendant ce temps, les lettres de Pierre s’accumulent sur les bureaux du ministère de l’Information, qui ne dit pas non, mais n’agit pas. Le seul espoir que l’on a, c’est de prélever trois mille litres sur les réserves stratégiques de l’armée et de les transporter dans des bidons jusqu’au nord de la Somalie.

Si le contexte le permet car, pour le moment, les informations en provenance du nord sont peu engageantes. Depuis le détournement du Boeing des Somali Airlines au mois de novembre, par trois officiers de l’armée, la tension est montée d’un cran dans cette région. Un bombardement y aurait fait deux cents morts il y a quelques jours, des camions se font attaquer entre Hargeisa et Djibouti, des rébellions éclatent du côté de Berbera.

Tout cela a fait dire au représentant de l’A.F.P. rencontré à Nairobi que notre passage n’était pas «sans risques», et à une autre personne que notre traversée de la Somalie pourrait faire un «bon coup» pour les rebelles.

Après l’essence qu’il attend toujours, Pierre cherche des véhicules pour la transporter. Il a pu enfin trouver un «camion du bonheur», ainsi appelé parce qu’il servait autrefois à transporter le khât de Djibouti en Somalie !

Jeudi, 27 décembre.

mogadiscio2Pierre obtient les papiers qui donnent accès à l’essence. Il se rend aussitôt à l’entrepôt, mais il manque un tampon.

Vendredi, 28 décembre.

Il revient à la charge, mais nous sommes un jour férié. Bonsoir, monsieur Godde !

Samedi, 29 décembre.

L’essence est là ! Le tampon aussi ! Tout le monde est prêt pour le grand départ vers le nord. Dans la cour du ministère de l’Information, le chauffeur du camion commence à vider ses fûts dans nos réservoirs.

Benoît recompte les provisions entassées pour 1600 kilomètres de route puis 450 de pistes : 40 bouteilles d’eau, 10 oranges, 10 bananes, 60 biscuits, 6 boîtes de pâté, 12 sodas avec et sans bulles, 2200 caca­huètes et 300 noix de cajou. Il y en a partout et la voiture est plus basse que jamais !

Un peu plus loin, Pierre parlemente avec les officiels : ils font de grands gestes, des allées et venues et je me dis que cela n’annonce rien de très bon…

  • Que se passe-t-il, Pierre ?
  • Tu vois, l’escorte est bien là, mais elle n’a pas de voiture ! Ils vont aller en chercher une, mais il est trop tard pour partir ! Demi-tour à l’hôtel !
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Didier Regnier

Didier a encadré la caravane du Grand Raid du Cap de Bonne Espérance à la Terre de Feu, animant l'émission sur le terrain et réalisant des récits étape pour présenter les pays traversés et illustrer les aventures et anecdotes de la semaine. Ses articles sur ce site sont des extraits du livre qu'il a publié en 1985 chez Robert Laffont, "L'Aventure du Grand Raid".