Paris ne répond plus

Vendredi, 8 mars.

Les techniciens des télécommunications de la ville nous ont tiré 500 mètres de câble à travers les arbres pour atteindre le temple de Boya devant lequel nous avons prévu notre plateau. Pierre en avait organisé l’installation il y a trois semaines, lors de son voyage de repérage. La discussion n’avait pas été facile parce que les techniques du « faux direct » et des liaisons spécialisées « quatre-fils » avaient quelque peu dérouté ses interlocuteurs. La négociation s’était déroulée au dernier étage de l’administration des télécommunications dans de grandes pièces aux plafonds élevés, démunies de tout système de chauffage, servant à la fois de bureaux et de salles de réunions. En général, il était difficile d’y rester plus d’un quart d’heure. Pierre y séjourna bien davantage lorsqu’il dut dessiner notre système de liaison devant des fonctionnaires engoncés dans de gros parkas kaki ou bleus, casquette sur la tête et mitaines aux mains.

Il est 13 heures, 5 heures du matin en Europe. Benoît et Jean-Claude installent les équipements de tournage et le matériel de liaison son. Hier la ligne a été testée en compagnie des Chinois. Tout fonctionnait bien et théoriquement nous ne devrions pas avoir de problèmes. Notre rendez-vous avec Paris est fixé à 7 heures, soit 15 heures chez nous. En attendant, Benoît nettoie son objectif, enregistre une mire, tandis que Jean-Claude soude quelques fils.

Vient alors le moment crucial de la connexion avec Paris. A chaque enclenchement, les voyants s’allument, les parasites défoncent les membranes des haut-parleurs, les sifflements percent nos oreilles. Mais rien n’entame le calme légendaire de Jean- Claude qui, le casque sur les oreilles, récite son texte d’une voix monocorde : « Allô, Paris, ici Zhengzhou… » Jean-Claude baisse un curseur, règle un « potard », contrôle ses niveaux.

Le contact vient de s’établir avec le technicien des télécommunications françaises qui met la ligne en veille en nous branchant sur France-Inter Paris. A cet instant précis une voix suave s’élève au milieu de la foule médusée, même si elle ne comprend rien : « Entre la porte de Versailles et la porte de Saint-Cloud, un bouchon de 5 kilomètres ; sur l’autoroute du sud, un ralentissement de 5 kilomètres à la hauteur de Savigny-sur- Orge. » L’odeur des périphériques encombrés mêlée à celle des croissants chauds nous comble de joie, en nous faisant prendre conscience, une fois de plus, de notre incroyable chance.

Dix minutes plus tard les producteurs et les techniciens arrivent, nous échangeons quelques informations, je range ma mèche « parce que j’ai un trou, là, à gauche », vérifie les lancements des candidats et prends le micro : « Bonjour à tous. Ici Zhengzhou! ». Nous partons pour une heure d’enregistrement sans aucune interruption.

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Didier Regnier

Didier a encadré la caravane du Grand Raid du Cap de Bonne Espérance à la Terre de Feu, animant l'émission sur le terrain et réalisant des récits étape pour présenter les pays traversés et illustrer les aventures et anecdotes de la semaine. Ses articles sur ce site sont des extraits du livre qu'il a publié en 1985 chez Robert Laffont, "L'Aventure du Grand Raid".