Je suis content, car le programme s’enrichit de jour en jour d’images fortes et belles. Les plateaux sont plus vivants, les lancements de sujets plus convaincants. Chaque semaine, les candidats découvrent que l’émission ne représente pas un moment de détente après les fatigues de la semaine, mais, au contraire, l’instant le plus important, celui où des millions de téléspectateurs ignorant tout de leurs vies vont les observer, voir leur enthousiasme, deviner leurs craintes ou leur doute. L’échographie des âmes, amplifiée par le balayage intraitable des électrons.
Robert Bourgoing participe à cette grande entreprise de restauration. Lui aussi part à Pokhara, s’en éloigne d’une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest. Là, il est initié au trekking par les plus grands spécialistes de la question : les caravaniers du sel.
Lorsqu’il les découvre pour la première fois, Robert a l’impression de revenir au Moyen-Age : six hommes et une femme sont là, devant lui, habillés de vêtements usés, prêts à partir. Comme à chaque printemps, ils retournent dans leur petit village perdu aux confins du royaume du Mustang, à quelques kilomètres de la frontière tibétaine.
Ils étaient arrivés il y a quatre mois pour vendre leur sel de l’Himalaya, qu’ils réussissent encore à écouler du côté de Pokhara, malgré la concurrence indienne. Maintenant que le commerce est réalisé, c’est le moment de partir. Robert s’élance, accompagné de l’équipe, tous précédés d’une trentaine de mules chargées de kérosène, d’huile, de moutarde, de riz, et d’autres produits de première nécessité. Robert les trouve drôles, presque « parées pour le carnaval ». Des plumes de toutes les couleurs leur ornent la tête, des clochettes pendues à leur cou signalent leur présence à des kilomètres de distance.
En apparence, rien ne distingue ces hommes et cette femme des Tibétains. Mêmes traits physiques, mêmes vêtements, même nourriture, même langue écrite et même croyance, comme le prouve cette photo du dalaï-lama qui ne quitte jamais le plus jeune. C’est que, pour eux, la frontière n’existe pas, comme pour les officiels chinois qui tolèrent leurs passages réguliers sur leur territoire. Seule particularité : une légère différence de prononciation qu’une oreille mieux exercée au tibétain que celle de Robert pourrait discerner.
Rien ne les presse. La caravane avance lentement, mais toujours au même rythme. Sur leurs visages ravagés par le froid, Robert admire leur large sourire, note l’absence de tout signe de fatigue. Lui, au même moment, dégouline sous des torrents de sueur et tire la langue plus bas que le menton. « En parfait amateur, dira-t-il plus tard, je m’étais trop chargé, mes vêtements étaient trop lourds ! »
Trois fois par jour, la caravane fait halte dans des petits villages qui bordent le sentier, ce qui permet à Robert de reprendre haleine, de manger avec eux de la farine et de l’eau formant avec la salive un véritable ciment, et de leur faire visionner les images prises dans la journée. Les hommes du « Moyen Age » sont fascinés par le défilé des séquences, se reconnaissent au passage et… n’arrêtent plus de rire !
Au bout de la troisième journée, Robert, appelé par le plateau, doit les quitter. Eux arriveront dans trois semaines. Il part à regret, ressentant cette éternelle frustration que nous laisse le Raid dans chaque pays. Nous y pénétrons, commençons à le « sentir », et aussitôt, devons en ressortir pour aller plus loin.
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