L’entrée « triomphale » à Pékin

Samedi, 9 mars 1985.

Derrière nos vitres, les dos courbés des paysans qui travaillent aux champs ; devant notre pare-brise, la police en side-car qui ouvre le chemin en distribuant de généreux coups de pied. Cette fois, ils vont plus vite que nous ! Devant nous, il y a maintenant Pékin qui se rapproche, et bientôt Marie-Odile, venue de Paris pour huit jours. La dernière fois, c’était à Djibouti. Depuis, il y a eu le « Randa », notre demi-tour devant le Yémen du Sud, Bombay et Bénarès, l’élimination de Laurent, le désastre de Hong Kong, l’entrée en Chine et l’accident d’Alain. Les images défilent en laissant une sorte de vertige.

Tout va vite, très vite, et pour la première fois, j’ai l’impression que le Raid nous file entre les doigts, que la machine est en train de nous dévorer. Pékin si loin est déjà là. Le Raid bascule derrière nous. Il va falloir respirer à fond, boire nos journées jusqu’à la lie, brûler nos nuits, rallonger nos jours, retenir le soleil avant qu’il n’aille allumer des continents lointains.

Lentrée dans Pékin

L’ambiance est détendue. Nos guides respirent de nous voir arriver. Nous avons pu nous expliquer, leur expliquer les contraintes, le jeu, la vitesse. Sauf le papier toilette dont Guilène a orné les voitures dès notre entrée dans la capitale. C’est de mauvais goût, je le reconnais, mais les nerfs ont lâché au bout de ces 3 000 kilomètres qui nous ont semblé bien longs. « On fête l’événement avec les moyens du bord ! » dit-elle tout excitée. L’entrée à Pékin est triomphale. Une dernière fois, sur la place Tien-An-Men, Grâce court de voiture en voiture, apostrophe les candidats, adjure Gauthier de descendre d’une galerie, arrache nerveu­sement les décorations qui flottent au vent en répétant devant les caméras curieuses des journalistes suisses et canadiens qu’ « il est interdit d’apporter du papier toilette sur la place Tien-An-Men » !

Dans l’euphorie générale, nous perdons volontairement la trace de la voiture de police qui ouvre le convoi et nous engageons sur un périphérique clandestin. Cette fois, nous y sommes. Pékin est là et nous avons le cœur en fête.

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Didier Regnier

Didier a encadré la caravane du Grand Raid du Cap de Bonne Espérance à la Terre de Feu, animant l'émission sur le terrain et réalisant des récits étape pour présenter les pays traversés et illustrer les aventures et anecdotes de la semaine. Ses articles sur ce site sont des extraits du livre qu'il a publié en 1985 chez Robert Laffont, "L'Aventure du Grand Raid".