Le Raid à l’assaut des Andes

Il est 14 heures.

Jean-Claude Freydier et moi partons pour le sud, suivis par Christine, une nouvelle fois seule. Nous avons en effet décidé de séparer les équipages, car la route risque d’absorber toute notre semaine.

Je sais que l’épreuve de force nous attend. En quelques heures nous allons passer de 0 à 5000 mètres d’altitude. Comment vont tenir les voitures, comment le Pinz va-t-il hisser ses quatre tonnes de matériel au sommet des Andes, comment vont réagir les concurrents, seuls derrière leurs volants ?

Pour avoir parcouru une partie de cette route, j’en connais les multiples dangers : les virages qui vous surprennent à chaque instant, les corniches qui surplombent la mer, le « soroche» (mal de la montagne), les précipices, les trous et les bosses, les camions fous qui vous croisent à un centimètre.

Devant nous, c’est le vertige. Nous allons escalader les Andes, sans doute effectuer pas mal de réparations, connaître un certain nombre d’aventures et aussi découvrir l’un des décors les plus fantastiques qui existent au monde : l’altiplano ! Cette fois, ça passe ou ça casse !

Après Nazca, la route devient sinueuse. Elle borde l’océan Pacifique sur des kilomètres, à flanc de ravin au-dessus de falaises impression­nantes. Dans chaque virage sont plantées des petites croix, à l’endroit même où se sont produits des accidents mortels. Il y en a des dizaines qui se côtoient, ultime pensée de ceux qui ont continué leur chemin, en abandonnant leur famille au murmure des vagues, au silence des nuits froides. 23 heures. Cette fois, nous avons rejoint l’océan au bord duquel nous nous empressons d’arrêter nos véhicules, pour l’écouter chanter, pour le regarder se perdre dans les ténèbres rafraîchissantes, pour y noyer un peu notre bonheur avec la complicité de la lune. Nous sommes loin. Nous sommes bien. Le vent frais du large nous rassemble dans nos rêveries solitaires.

A minuit, nos têtes résonnent comme des calebasses. La route n’arrête pas de suivre la mer puis la perd et la retrouve quelques kilomètres plus loin. Nous traversons de temps en temps un « village », c’est-à-dire quelques maisons basses qui bordent la panaméricaine. Au kilomètre 700, exténués, nous frappons à une porte. Après un long moment, une vieille femme apparaît dans l’embrasure de la porte, à peine réveillée. Notre arrivée la surprend. Elle nous propose une chambre à cinq lits en nous recommandant de ne pas laisser les voitures dehors à cause des vols. Comme il est difficile de les monter dans la pièce ou de les vider, Christine propose gentiment de dormir dans sa voiture.

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Didier Regnier

Didier a encadré la caravane du Grand Raid du Cap de Bonne Espérance à la Terre de Feu, animant l'émission sur le terrain et réalisant des récits étape pour présenter les pays traversés et illustrer les aventures et anecdotes de la semaine. Ses articles sur ce site sont des extraits du livre qu'il a publié en 1985 chez Robert Laffont, "L'Aventure du Grand Raid".