L’arrivée au Cap

La nuit est tombée. Nous survolons maintenant l’Afrique. C’est l’excitation à bord ! Guilène de Télé-Monte-Carlo se sert déjà de ses cheveux blonds pour se faire inviter dans la cabine de pilotage. Elle en revient… éblouie ! « C’est fantastique ! » Dans l’obscurité, en bas, le fleuve Congo. Et les écoliers de réviser leur livre de géographie.

0 h 45 : l’avion descend et atterrit à Kinshasa, au Zaïre. A peine est-il arrêté que les candidats se précipitent sur la passerelle pour « humer » l’air ! En fait, il n’ y a pas d’air. Plutôt cette moiteur caractéristique des pays tropicaux qui colle à la peau.

De nouveau, nous décollons. Au petit matin, nous nous posons à Johannesburg. Premier choc avec l’Afrique du Sud. Les Blancs ne sont pas beaux. Les Noirs sont superbes. Ce n’est pas une caricature. C’est vrai. Nous attendons notre correspondance. Et c’est l’envol pour la ligne d’arrivée ; pardon, de départ ! Le Cap, tout en bas de l’Afrique !

capetownGuilène descend la passerelle en retenant son souffle :

  • Cinq marches, quatre, trois, deux, une, zéro ! Hourrah !

Comme le premier pas sur la lune, mais elle ne saute pas ; comme le pape à ses arrivées, mais elle ne baise pas le sol. Émotion. Hurlements de joie. L’Afrique ! L’Afrique est là ! Sous nos pieds !

Guy Garibaldi, chemisette et lunettes noires, nous attend dans le hall de l’aéroport. Embrassades. Joie des retrouvailles. C’est lui qui a balisé l’itinéraire jusqu’au Kenya. Un grand gaillard jovial, nerveux, avec qui je me suis tout de suite senti très bien. L’émission est faite sur mesure pour cette marionnette à ressorts qui scande à qui veut l’entendre :

  • « Le programme avant tout ! »

Guy est déjà venu ici plusieurs fois pour repérer, contacter, louer des avions et des hélicoptères, obtenir les autorisations nécessaires. Une pile électrique. De la dynamite. Le matin mal rasé, sur le plateau de la télévision locale à midi, l’après-midi sur les pistes, le soir en smoking. Sourires en prime. Au fond de la brousse, il déniche encore des téléphones ! Très excité, il frappe l’air du poing en criant déjà aux « raiders » : « Allez-y ! Foncez ! » Ce à quoi Alexandre Bochatay lui répond aussitôt : « Arrête de mailler ! » Traduire : ne t’inquiète pas ! (Normal : il est Suisse !)

Puis c’est le déchargement du Boeing : 22 caméras, 22 magnéto­ scopes, dix magnétophones, trois cent cinquante mètres de fils électriques, des appareils photo, des tentes, des rations de survie, des médicaments, moustiquaires, gamelles, torches électriques. Au total, une tonne et demie de matériel.

Nous sautons dans la voiture tandis que les raiders suivent en bus. Pour Guy aussi, c’est le grand jour. Il lui a fallu des heures de négociation pour faire entrer le Raid ici. Une journaliste, à Paris, n’avait pas manqué de faire remarquer en pleine conférence de presse que nous partions d’un pays dont la politique prêtait à caution. Ce à quoi Jacques Antoine avait répondu : « Le bout de l’Afrique, c’est là ! et je ne peux pas le mettre ailleurs ! Avez-vous une autre solution ? » A ce jour, elle n’a toujours pas été trouvée.

Guy roule à gauche, parfaitement à l’aise, les fenêtres baissées. Il fait beau. Les rues sont propres. Presque trop propres.

  • Tu sais, j’ai hésité pendant longtemps. Je voulais commencer par l’Amérique latine et finir en Afrique. Pour les sujets et les saisons, c’était mieux. On démarrait plus fort en Argentine et on évitait l’hiver austral. Mais je ne sais pas… C’est peut-être mieux de se roder ici, en Afrique.

Pour nous reposer un peu, Guy nous emmène sur une plage longeant la corniche, couverte de superbes maisons. Le spectacle est étonnant : des nudistes blancs s’y promènent, face à la mer. L’un d’eux coupe du bois, comme s’il venait d’échouer sur une île déserte. Alors, la fatigue aidant et le soleil tapant très fort, je me dis que nous sommes au premier jour de la Création, ou peut-être au dernier, quand les Blancs tenteront de quitter ce paradis artificiel et que le dernier bateau sera parti sans eux.

Notre arrivée à l’hôtel ne passe pas inaperçue. Les portiers entassent, rangent, dissimulent dans les coins et les recoins une soixantaine de malles.

Au cours de notre première conférence, Guy et moi donnons l’emploi du temps des prochaines journées : l’enregistrement de l’émission, les sujets à tourner, enfin le départ pour le Zimbabwe, à deux mille kilomètres au nord. Mais avant tout, dès demain matin, une visite au port pour récupérer nos voitures :

  • Vous aurez deux jours au maximum pour les équiper !

J’informe Paris de notre arrivée et retrouve le lit, après quarante-huit heures de marathon.

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Didier Regnier

Didier a encadré la caravane du Grand Raid du Cap de Bonne Espérance à la Terre de Feu, animant l'émission sur le terrain et réalisant des récits étape pour présenter les pays traversés et illustrer les aventures et anecdotes de la semaine. Ses articles sur ce site sont des extraits du livre qu'il a publié en 1985 chez Robert Laffont, "L'Aventure du Grand Raid".