L’Amérique latine ! Buenos dias !

Mercredi, 24 avril 1985.

J’ai le coeur qui bat très fort. L’avion vient de toucher la piste de Guayaquil et roule dans la nuit tropicale. Nous sommes en Equateur. Nous sommes en Amérique latine.

Je sais que maintenant nos jours sont comptés. C’est le dernier tronçon. Le plus beau. Celui qui va nous mener au bout du monde, au bout du Raid, dans ce continent que j’aime par-dessus tout. Je suis déjà venu plusieurs fois pour le Journal et la Course au Brésil, au Pérou, au Mexique, en Haïti, en Guyane, Martinique et Guadeloupe, avec, à chaque retour, une nostalgie incroyable de ces visages et de ces décors enchanteurs.

L’Amérique latine ! Buenos dias ! Le vol du condor au-dessus de l’altiplano, le rouge et le bleu des ponchos se mélangent, les Indiens se saoulent au pisco sour, les nifios morveux vous arrachent un sou : « Gringo, gringo, un peso, por favor ! », les taxis à bout de souffle perdent leur direction, la politica descend sur la plana de Armas, dans la Lima coloniale défaite par la ruine. L’Amérique latine dont nous avons tant de fois évoqué, avec Guy, la fièvre et le sang : Lima, La Paz, Buenos Aires, Santiago, la solitude glacée des quarantièmes rugissants. Elle est là, devant nous, pour nous aider à mieux finir le Raid.

Et Guy aussi, dans le hall. Fatigué. Enervé :

  • Salut toi ! Je suis débordé, tu sais ! Les candidats sont allés à Quito tourner leurs films. Quant à moi, en revenant de Paris, j’avais fait un crochet par Londres pour acheter des cassettes de musique. On aurait eu un choix dingue pour accompagner nos films. Je me suis fait piquer tous mes bagages en arrivant ici, dont les trente-cinq cas­settes !… sympa, non ?

La Visa est là, devant le hall. C’est le dernier lot, celui qui va nous porter dans l’altiplano et nous amener jusqu’à la Terre de Feu. Cette petite voiture sait-elle ce qui l’attend, et savons-nous, nous-mêmes, ce qui va se passer au cours de cette grande expédition ? L’air est moite à nouveau, les jeunes filles sortent de l’université et baladent leurs chemises blanches dans les tuyaux d’échappement des bus et des taxis. Les petits vendeurs proposent à notre fenêtre le diaro, des avocats énormes, des mangues, des Sainte Vierge ou des fleurs. Les artères sont encombrées, la foule pressée, l’air pollué. La vraie vie est revenue dans la rue.

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Didier Regnier

Didier a encadré la caravane du Grand Raid du Cap de Bonne Espérance à la Terre de Feu, animant l'émission sur le terrain et réalisant des récits étape pour présenter les pays traversés et illustrer les aventures et anecdotes de la semaine. Ses articles sur ce site sont des extraits du livre qu'il a publié en 1985 chez Robert Laffont, "L'Aventure du Grand Raid".