La fièvre de l’or sur la route de la mort

Unutuluni est un petit village bolivien situé au bout de la piste qui s’avance péniblement dans la forêt amazonienne. C’est aussi l’endroit où quelques centaines d’Indiens de l’altiplano sont descendus faire fortune, dans le pays le plus pauvre de l’Amérique latine. Unutuluni, c’est la fièvre de l’or.

Pour m’y rendre, je descends, en compagnie d’un coopérant suisse rencontré à La Paz, la fameuse « route de la mort », une longue piste creusée dans la falaise sur une centaine de kilomètres et sur une dénivellation de 5000 mètres. Une paroi verticale dont on ne voit pas le sommet à droite ; des précipices sans fond à gauche, sans le moindre garde-fou. De quoi faire frissonner d’envie le réalisateur d’Indiana Jones (voir quelques photos trouvées sur Internet). Mon accompagnateur m’explique que dans ce virage, l’an dernier, un camion transportant une centaine de Boliviens a basculé dans le vide. Une chute de 300 mètres qui avait ruiné définitivement les rêves dorés des pauvres du plateau.

A peine arrivé à Unutuluni, je rencontre un gros moustachu. Il est saoul, complètement saoul et se prend d’une soudaine amitié pour le petit Canadien qu’il entraîne par la main au deuxième étage d’une baraque en tôles ondulées où huit hommes sont attablés autour d’une centaine de bouteilles de bière. On m’en offre une que j’accepte, histoire de me mettre dans l’ambiance. Cul sec après cul sec, aidé par les quelques mots d’espagnol que j’ai appris avant de venir, je me rend compte que mes hôtes sont le directeur de la mine d’or, le directeur de la banque et le gérant de la coopérative. Celui qui m’a conduit dans ce tripot des directeurs n’est autre que le shérif. Il transpire l’alcool. Sans lâcher ma main, il sort dans la rue pour aller se soulager contre un mur, tout en sifflotant. En retrouvant les autres, le manège se poursuit. Les bouteilles vides se succèdent, le shérif me donne de grandes claques dans le dos et me lance des regards tendres en répétant, très ému « Amigo! Amigo! ». Comment me sortir de ce pétrin?! J’y arriverai un peu après minuit quand les chefs auront rendu l’âme, effondrés autour de la table envahie de cadavres de bouteilles.

300 mètres plus bas, on creuse toujours la mine, située sous le lit de la rivière. Les enfants y descendent pour la première fois dès l’âge de quatorze ans. Les plafonds des galeries sont mal soutenus, l’eau suinte de partout et, paraît-il, les effondrements se succèdent à intervalles réguliers. Pour se donner un peu de courage, les mineurs mâchent des feuilles de coca en guettant désespérément le filon qui leur permettra de vivre un peu plus confortablement, là-haut, à la surface…

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Robert Bourgoing

Robert Bourgoing faisait partie de l'équipe canadienne avec Francis Lévesque. Il a réalisé et administre ce site et la page Facebook consacrés au Grand Raid. Retrouvez d'autres articles, photos et vidéos de ses voyages sur Bourgoing.com