Mardi, 4 juin
Quatrième jour : le soleil. Tu ne comprendras jamais ce que je vois. Tu ne sauras jamais la force de cette lumière. Tu ne connaîtras pas cet instant qui enlève à chaque mot sa raison de vivre. Tu n’éprouveras pas cette grande solitude devant la beauté. Je ne sais pas comment et à qui raconter ce que j’ai vu ce matin. Puyuhuapi se réveillait en grelottant. Les cheminées, les toits noirs, le linge, le lac immobile fumaient en jouant avec les rayons du soleil. Un oiseau plongeait dans le miroir bleu pour l’animer un peu, des hommes étaient sortis de chez eux pour nous observer en silence, comme ça, sans s’étonner de ce qui se passait, parce qu’ils étaient là depuis trop longtemps.
Je sais que le plateau s’éloigne au fur et à mesure qu’on s’en rapproche. Nous avons vidé nos derniers jerricanes et roulons en quatrième, à flanc de ravins, pour économiser l’essence… J’ai mal de cette Patagonie-là, de ces marais, de ces arbres aux allures fantastiques, de ces gens croisés d’un regard, de cette campagne isolée, de ces montagnes qui percent l’azur. J’ai mal de notre vitesse, de nos étapes-éclairs. J’ai mal d’aller si vite.
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