Mercredi, 30 janvier.
A l’aube, vidés de nos forces, nous entrons au Râjasthàn, deuxième état de l’Inde par sa superficie. Celui que les Rajputs avaient nommé le Pays des fils de rois ». Un choc.
D’un seul coup, le paysage est devenu vert, tranquille, somptueux. Au loin, des taches de couleurs parsèment la campagne. Les femmes sont de véritables apparitions. Une jarre sur la tête, elles marchent en rouge vers des puits regorgeant d’eau, tandis que le soleil, de sa :arrière dorée, incendie les mille replis de leurs saris mauves, jaunes ou rouges. Les hommes enturbannés et fiers chevauchent des ânes, =aident des charrues dans des champs, sur des terres pleines d’avenir.
Comme le dit Philippe, « ils ont l’air de vivre quelques siècles en arrière, ou quelques siècles dans le futur peut-être ». Ici, nous sommes hors du temps. Une Inde qui aurait échappé au bouillonnant destin du continent moderne. Le Râjasthàn est une exception, un îlot de tranquillité où l’on vit encore au rythme de la roue, en regardant la lune, en écoutant les ménestrels chanter leurs lancinantes complaintes. Mille visages parés de soieries, mille sourires aux éclats d’argent pour nous guider jusqu’à Udaipur, notre prochaine étape.
Demain, nous enregistrons notre première émission indienne, la plus importante depuis notre départ ; celle que je redoute parce qu’elle doit marquer le décollage du Raid.
Au milieu du lac Pichola, nous installons notre quartier général dans le somptueux palais qu’avaient construit les Maranas. Décor splendide, enchevêtrement de couloirs innombrables, baignés de lumières douces qui allument dans la nuit tombante les flamboyants aux mille parfums. Des serveurs enturbannés, portant de lourds plateaux, servent le thé « comme au bon vieux temps » ; des femmes élégantes conversent dans des petites cours, toutes ornées de jardinets et de fontaines discrètes.
Lentement, les couleurs se sont évanouies avec le soleil. Au pied des collines, des palais et des sanctuaires, l’Inde s’estompe, comme une toile lisse et mouvante.
Avec juste le chant des oiseaux et la prière à Vichnou.
Le générique fait faire des fausses notes au charmeur de serpents. Dans la rue, la police, débordée, essaie de contenir la foule des curieux, tandis que les candidats retiennent délicatement une vache qui veut dévorer les câbles électriques. Benoît est content, car « il y a de l’image » ; Guy fend la foule en hurlant quelques ordres, la voix de Gérard Jugnot tombe du ciel au milieu des sadhous qui ne comprennent rien et de cet attroupement qui emporte petit à petit notre plateau. La conversation avec Paris est de bonne qualité, les sujets du Qatar intéressent (surtout celui des rats…), les candidats présentent bien. Pour la première fois depuis le départ, nous avons l’impression de « tenir » un programme, riche en images, qui reflète réellement ce que nous avons vécu sur place. Au bout de trois mois seulement.
La surprise provoquée par la présence de notre troupe dans les ruelles d’Udaipur n’est rien à côté de celle occasionnée par Alain Margot, dans l’une des pièces luxueuses d’un hôtel où James Bond avait tourné une scène d’ Octopussy ! Les gardiens ont bien du mal à retenir leurs rires en regardant évoluer le candidat suisse, parmi des objets d’une grande valeur. Incontestablement, le souvenir de James Bond laisse place à celui — moins périssable et encore plus drôle — de Rackham-Le-Gum !
Je respire. L’émission a trouvé son rythme de croisière. Désormais, nous n’avons plus qu’une semaine pour couvrir les distances, tourner les reportages et enregistrer le programme qui passe huit jours après. Il en sera ainsi jusqu’à la Terre de Feu. La « corde raide » qui va nous imposer une organisation sans faille, une conduite rapide, et si possible adroite, une marche ne laissant plus de place ni aux états d’âme ni aux errances des équipages.
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