Lundi 21 janvier.
Six heures du matin. L’avion se pose. Les lumières défilent dans les hublots, doublées de leur froid reflet sur la piste mouillée. Il fait encore nuit. Les sons sont atténués. Il n’y a plus que des regards un peu vides, silencieux, déjà préoccupés par des journées à bâtir, des rendez-vous à ne pas manquer.
Je viens d’une autre planète qui sent la vie, le soleil, le mouvement ; je viens d’ailleurs, là où cette foule n’a plus de prise sur moi, là où elle m’a oublié, pour n’en garder que l’image virtuelle et embellie des rêves qu’elle ne fait plus. Il ne fait pas froid, mais il fait triste.
Deux sourires percent la mélancolie : ceux de Claude Hardy et de Michel Cassius, l’attaché de presse. Ils ont des journaux plein les bras, avec les sondages de l’émission d’hier, les critiques, les avis, le courrier. Les Champs-Elysées sont déserts ; le café crème n’a pas bon goût. Je ne suis pas là, en fait. Heureux d’être avec eux, mais encore avec Philippe, Alexandre, Christine et les autres. Que font-ils ? Sont-ils arrivés au Qatar ? Se remuent-ils pour trouver un sujet ?
Nous parlons de l’émission, de ses imperfections, de son succès, des améliorations à y apporter. En passant rue François 1er, Claude et Michel me poussent dans le studio de Michel Drucker qui prend le temps de m’interviewer en direct, entre deux invités :
- Comment se déroule le Raid ? Comment va le blessé ? D’où venez-vous ? Où repartez-vous ?
- Ce soir même, au Qatar !
Toute la journée, je vais de rendez-vous en réunions, des bureaux de Télé-Union aux studios de V.C.I., sans oublier Antenne 2 où je rencontre M. Jack Nakache, responsable de l’unité « Divertissements ». Avec Jean-Hugues Noël, Roger Bourgeon et Jacques Antoine, nous évoquons nos difficultés, le courrier qui continue à dénoncer la désinvolture des candidats, leur trop grande complicité, la faiblesse de certains sujets, le trop grand nombre de jurés parisiens ; et le fait que les voitures roulent souvent ensemble.
Je connais toutes ces critiques. Elles me semblent justes mais un peu sévères. D’abord, parce que l’émission est encore jeune, et que cette fantastique machine est lourde à mettre en route ; ensuite, parce que les convois étaient inévitables en Afrique à cause des axes routiers limités ou des circonstances particulières qui imposaient la sécurité de tous, comme au Kenya ou en Somalie ; enfin, parce que les candidats, jeunes dans l’ensemble, ne peuvent pas trouver du premier coup le ton juste, l’allure idéale, les gestes adéquats. Cette formule est intéressante parce qu’elle laisse des amateurs s’exprimer. Leur maladresse, leur insolence, leur culot, leur non-conformisme en sont à mon avis les ingrédients indispensables. Tout est une question de dosage. Jack Nakache est inquiet. Je lui demande encore un peu de temps :
- L’Afrique était la partie la plus ingrate. Les sujets n’étaient pas faciles à trouver. Attendez notre arrivée à Bombay ! Je vous assure que les reportages seront nettement meilleurs, que les candidats auront trouvé le rythme, et que l’audience décollera.
Quand je sors d’Antenne 2 où l’ambiance n’est pas mauvaise mais un peu morose, la nuit est tombée. Aussi froide que ce matin. J’embrasse l’attachée de presse, Anne Brossard, qui abat un travail considérable ; puis Marie-Odile venue me rejoindre sur le trottoir : « Ne t’en fais pas. Tout va bien. Tu vas voir, nous avons eu des moments difficiles, mais maintenant, nous allons faire des étincelles ! »
Vite, je saute dans la voiture de Patrick Croix, l’homme de l’ombre, celui qui soude nos deux équipes parisiennes.
Les réacteurs déchirent le ciel de Roissy. Je suis content d’être là, et me presse d’oublier cette journée de fausses rencontres qui ne m’a pas permis de parler à Marie ni de voir Fanny, ce qui était sans doute préférable pour elle.
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