30 avril 1985.
Après deux jours et deux nuits de conduite, nous atteignons Lima en soirée. Déjà coincés dans les embouteillages de la plaza San Martin, au cœur de la capitale, je me dis que rien n’a changé ici. Une foule de petits vendeurs haranguent les gens pressés ; des hommes d’affaires passent, les gamins espiègles guettent leurs proies, une femme en poncho allaite son enfant à même le trottoir, dans un nuage noir qui s’échappe d’un autobus surchargé.
Etant sous la tente et sur le sol pendant la semaine, nous avons l’habitude de « descendre » dans un hôtel correct à la ville-étape, histoire de se retaper d’abord, d’y laver son linge et surtout d’y faire travailler les télex et le téléphone, à l’avant-veille de nos enregistrements. Ces communications indispensables me permettent de donner à Paris notre position précise, de révéler le contenu des nouveaux reportages, de connaître les scores de la dernière émission, et de prendre contact avec les responsables de la prochaine escale.
Invariablement, nous arrivons devant ces hôtels dans un état de décomposition « avancée » : ce soir, par exemple, le portier esquisse un mouvement de recul lorsqu’il nous aperçoit, maculés de poussière des pieds à la tête ! Il faut dire que nous ressemblons à des zombies qui auraient traversé la moitié de la planète sur le toit d’un taxi-brousse ! La bouche dédaigneuse, il va aussitôt chercher un chiffon avec lequel il redonne vie à leurs sacs. Le groupe Poco a Poco joue « El Condor posa » sous les arcades de la plaza de Armas pour les réfugiés de l’altiplano ; Alan Garcia, le plus jeune président du monde, va succéder à Belaunde, le Sentier Lumineux parsème les hauts plateaux de bombes revanchardes.
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