Dimanche, 16 juin
A Punta Arenas, nous avons entièrement vidé les voitures pour leur expédition sur Paris, en bateau. Il faisait beau ce matin-là. Alors, pour la dernière fois, nous avons ouvert la porte et nous nous sommes assis sur les sièges poussiéreux. Elles étaient légères, comme si elles s’étaient déshabillées pour profiter de la chaleur naissante et de leurs journées qui allaient être plus calmes maintenant. Je n’oublierai jamais leur allure dans les rues de Punta Arenas. Elles étaient belles sous le soleil, elles rugissaient encore de leurs chevaux pleins de vie, elles voulaient sans doute nous donner quelques remords et se faire aimer jusqu’au dernier moment, tellement fières de leur exploit. C’est toujours comme cela les séparations. Un homme les attendait près de sa cabane en bois, au fond d’une cour grillagée, où étaient déjà stationnés d’autres véhicules. Nous les avons rangées, vite, pour ne pas s’éterniser ici. Ce n’était pas un endroit pour mourir. Ensuite, je suis monté dans le bus qui nous attendait, et dans lequel les candidats ne parlaient plus. Une dernière fois, je me suis retourné pour regarder ma voiture, seule maintenant. Je crois que j’ai eu honte de la laisser ici. Nous avons roulé dans cette lumière qui colorait d’un bleu profond le détroit de Magellan. Ensuite, l’avion nous a arrachés au bout du monde, déposés à Santiago. Un autre, plus gros, nous a enlevés à l’Amérique latine et rendus à nos familles présentes à Roissy. Fanny était là. Je l’ai prise dans un coin et l’ai sentie comme on sent une belle petite fleur. J’ai entendu qu’elle parlait, puisqu’elle disait : « Papa parti. »
Laisser un commentaire